MAP 05/20/2025

MAP - Au cœur des "Renaissances", les Derviches Tourneurs d'Istanbul font vibrer l'âme de Fès

Fès - 19 mai 2025 - (MAP) - L'Ensemble des Cérémonies Soufies d'Istanbul a offert, dimanche soir à Fès, une immersion spirituelle d'une rare intensité, transportant le public de la 28ème édition du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde au cœur de la tradition mystique de Mevlana Jalal ad-Dīn Muhammad Rumi.

Sous les voûtes ancestrales de Bab Makina, la cérémonie du Sema s'est déployée comme une prière en mouvement, une méditation cosmique invitant à la contemplation et à l'élévation de l'âme.

Placée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, cette édition du festival, célébrant le thème des "Renaissances", a trouvé dans la performance de l'ensemble turc une illustration de la pérennité et de la vitalité des traditions spirituelles. Bien plus qu'un simple spectacle, la soirée fut une véritable initiation aux mystères du soufisme où chaque élément de la musique aux gestes, des costumes aux silences, concourait à créer une atmosphère de recueillement et de transcendance.

Au centre de cette expérience, les derviches tourneurs, figures emblématiques de cette quête d'union avec le Divin, ont captivé l'assistance par la grâce et la puissance de leur danse giratoire. Vêtus de leurs longues robes blanches (tennure), symboles de pureté et de linceul de l'ego, et coiffés de leurs bonnets coniques en feutre (sikke) représentant la pierre tombale de ce même ego, ils ont entamé leur ballet céleste.

Leur rotation, lente et mesurée au début, puis s'accélérant progressivement, n'est pas une simple prouesse physique, mais une métaphore vivante de l'ordre cosmique. Elle évoque la danse des planètes autour du soleil, le mouvement incessant des atomes, et ultimement, l'âme humaine gravitant autour de son centre divin, dans une aspiration infinie à l'Unité.

La cérémonie du Sema, telle que présentée par l'Ensemble d'Istanbul, est une architecture symbolique complexe, héritée des enseignements du grand poète et mystique Rumi. Chaque phase du rituel, chaque "selam" (salutation), est porteuse d'une signification profonde.

Les premiers tours, effectués en marchant lentement et solennellement, représentent les étapes de la création selon la vision soufie : le monde minéral, puis végétal et animal, jusqu'à l'émergence de l'être humain conscient. Cette progression illustre le voyage de l'âme à travers les différents degrés de l'existence, en quête de sa source originelle.

La posture des mains des derviches est particulièrement éloquente. La paume droite, tournée vers le ciel, est un réceptacle pour la grâce divine, les bénédictions et l'inspiration céleste. La paume gauche, dirigée vers la terre, symbolise la transmission de cette énergie spirituelle au monde et à l'humanité. Le derviche devient ainsi un canal, un pont entre le Ciel et la Terre, ne retenant rien pour lui-même, mais diffusant l'amour et la lumière qu'il reçoit. Cette gestuelle incarne l'idéal soufi de service désintéressé et d'amour universel.

L'atmosphère sacrée de la soirée était intensément nourrie par la musique et les chants qui accompagnaient la danse. Les mélodies du ney (flûte de roseau), les rythmes subtils des percussions (kudüm et bendir), et les voix puissantes psalmodiant des versets du Coran, des poèmes de Rumi et des invocations (Dhikr), ont créé une trame sonore d'une beauté émouvante. Cette musique n'est pas un simple accompagnement, mais une composante essentielle du rituel, conçue pour élever l'esprit, ouvrir le cœur et faciliter l'état de contemplation et d'extase mystique (wajd).

Plus largement, les tableaux et rituels présentés par l'Ensemble des Cérémonies Soufies d'Istanbul sont une mise en scène vivante de la philosophie de Rumi, qui prône la tolérance, la fraternité entre tous les êtres, et la transcendance des différences dogmatiques et culturelles pour atteindre l'essence universelle de l'amour divin. Chaque élément, du moindre geste à la disposition des derviches dans l'espace scénique, participe à ce langage spirituel codifié et millénaire, offrant aux spectateurs bien plus qu'une émotion esthétique, une véritable invitation à un cheminement intérieur.

En cette soirée mémorable, le public fassi et international a pu ainsi toucher du doigt la profondeur d'une tradition qui, loin d'être figée dans le passé, continue d'offrir des clés de compréhension et d'épanouissement spirituel pour le monde contemporain, en parfaite adéquation avec l'esprit de "renaissances" qui anime cette 28ème édition du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde.